« Oui, je renoncerais à être candidat si j’étais mis en examen. Comme un ministre doit quitter le gouvernement dans ce cas. »
— Emmanuel Macron, grand prêtre de la vertu conditionnelle.
Ah, quel homme. Quel exemple. Un parangon d’intégrité — au conditionnel. Emmanuel Macron vient de nous gratifier d’un moment de pure vertu télévisée : à la question « Si vous étiez mis en examen, renonceriez-vous à être candidat ? », il répond oui, avec cette fermeté douceâtre qu’on réserve aux promesses qu’on n’a aucune intention de tenir.
Une déclaration de principes ? Plutôt une déclaration de principes valables pour les autres.
Parce que soyons honnêtes : chez Macron, la mise en examen n’est pas un signal d’alerte… c’est un critère de recrutement.
Ministres mis en examen : l’exception macronienne devenue la règle
Il faut croire que l’Élysée est équipé d’un excellent logiciel de tri : dès qu’un ministre est mis en examen, on le recase. Une sorte de Pôle Emploi inversé, où les casseroles deviennent des lettres de recommandation.
Petit tour d’horizon de ce gouvernement d’exemplaires judiciaires :
- Éric Dupond-Moretti : mis en examen pour prise illégale d’intérêts dans ses anciens dossiers d’avocat. Nommé ministre de la Justice. Oui, de la Justice, vous avez bien lu. Le mec est jugé au tribunal, et pendant ce temps, il gère les tribunaux. La boucle est bouclée.
- Rachida Dati : mise en examen pour corruption passive et recel d’abus de pouvoir dans l’affaire Renault-Nissan. Que fait Emmanuel ? Il la nomme ministre de la Culture. À croire qu’il manquait de thrillers pour la rentrée littéraire.
- François Bayrou : mis en examen dans l’affaire des assistants parlementaires fictifs du MoDem. Résultat ? Toujours en mission, toujours présent. Il paraît qu’il conseille désormais sur la moralisation de la vie publique. Du génie pur.
- Sophie Cluzel, Agnès Buzyn, Muriel Pénicaud, Sarah El Haïry, Richard Ferrand, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez, Amélie Oudéa-Castéra : des noms qui défilent plus souvent dans les pages « Justice » que dans les bilans ministériels.
Et Macron dans tout ça ? Il regarde ailleurs. C’est normal, les yeux dans les étoiles, il plane au-dessus des lois… sauf quand il les tord.
La morale, c’est pour les autres
Quand Macron dit qu’un ministre « doit quitter le gouvernement s’il est mis en examen », il oublie de préciser que le verbe « devoir » chez lui signifie « si ça m’arrange politiquement ».
On est loin des promesses de 2017, où il voulait « une République exemplaire », sans casier, sans tricherie, sans magouilles. En 2025, la République exemplaire ressemble surtout à une cave à vins : tout le monde y vieillit sous scellés.
Et pendant que Macron s’engage solennellement à se retirer si un jour la Justice s’intéresse à lui, il continue de s’entourer de mis en examen notoires, de suspects VIP, de condamnés camouflés en experts.
Mais chut. La justice est indépendante, paraît-il.
Indépendante… sauf quand elle ose gêner les copains.
Macron, candidat éthique à condition que ça ne coûte rien
On connaît la chanson : Macron aime les grands principes. Il les brandit comme des étendards, les scande devant les caméras, les insère dans ses discours comme on saupoudre du sucre glace sur un gâteau moisi.
Mais dès que l’éthique menace de faire tomber un pion sur l’échiquier présidentiel, elle devient accessoire.
Il y a la morale du discours… et la morale du casting. Et entre les deux, il y a Macron.
Car au fond, cette fameuse question — « Renonceriez-vous si vous étiez mis en examen ? » — est surtout théorique. Pas parce que Macron est au-dessus de tout soupçon… mais parce qu’il est au-dessus de toute conséquence.
Une République en marche arrière
Alors non, Emmanuel ne se désistera pas. Et non, un ministre mis en examen ne démissionnera pas.
Parce qu’à force de répétition, l’exception est devenue règle, et la mise en examen… simple formalité d’entrée en fonction.
Bienvenue en Macronie :
- Où l’on jure la transparence, tout en gardant les casseroles au chaud.
- Où l’on célèbre l’exemplarité, tout en repeignant les casiers judiciaires à la gouache.
- Où le président promet de se retirer… sauf si son agenda, son entourage, ou son ego ne le permettent pas.
Et après, ils s’étonnent de la défiance des citoyens.
– Si vous étiez mis en examen est ce que vous renonceriez à être candidat ?
— Duval Philippe (@p_duval) July 22, 2025
– Oui de la même façon que dans le principe un ministre doit quitter le gouvernement lorsqu'il est mis en examen
Sauf si c'est Dupond-Moretti, Dati, Bayrou, Goulard, de Sarnez, Ferrand, Buzyn, Pénicaud,… pic.twitter.com/uzXlSBWrgN