Fin juillet, à l’hôpital universitaire Henri-Mondor de Créteil, un patient de 77 ans s’est fait retirer… le mauvais rein. Un scénario digne d’une mauvaise série médicale, sauf que cette fois, il ne s’agit pas d’une fiction. Et ce drame n’est pas un accident isolé, mais le symptôme d’un hôpital public à bout de souffle.
Quand la check-list devient une formalité expédiée
La fameuse check-list chirurgicale est censée être le garde-fou ultime : identité du patient, côté à opérer, organe concerné. Trois étapes simples, à répéter avant, pendant et après l’intervention.
Mais selon un rapport exhumé par Le Canard enchaîné, près d’un patient sur trois en Île-de-France n’a pas eu droit à une check-list complète. Pourquoi ? Parce que le temps manque, et les équipes courent déjà après les minutes.
Une infirmière de bloc, restée anonyme, témoigne :
« Le chirurgien arrive, et en trois minutes la check-list est pliée. Même si rien n’est fait, on coche quand même. »
Résultat : la procédure censée sauver des vies devient un simple exercice administratif.
Le vrai problème : le manque de bras
Si les chirurgiens et les soignants expédient ces étapes, ce n’est pas par désinvolture mais par épuisement et surcharge. Les blocs opératoires tournent à plein régime, les plannings explosent, et le personnel manque cruellement.
Dans ces conditions, la sécurité passe après la cadence. On fait au plus vite, quitte à oublier l’essentiel.
C’est l’illustration brutale d’un hôpital en sous-effectif chronique, où le stress et la fatigue créent un terrain fertile pour l’erreur.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
En 2024, 4 630 événements indésirables graves ont été signalés à la Haute Autorité de Santé. Soit +13 % par rapport à 2023. Et encore : ces chiffres sont probablement sous-estimés, beaucoup d’erreurs n’étant jamais déclarées.
Ce n’est donc pas une série de « malchances », mais bien une tendance lourde. Plus le personnel est épuisé, pressé, plus le risque augmente. Et plus on serre les budgets, plus la précipitation devient la règle.
🇫🇷🏥 Un patient de 77 ans s’est vu retirer son rein SAIN au lieu de son rein atteint d’un cancer en juillet, à Créteil. Les erreurs augmentent avec 4 630 événements indésirables graves en 2024. En cause notamment : les vérifications avant et après ne sont pas toujours faites.… pic.twitter.com/tuU1GkbsYP
— Cerfia (@CerfiaFR) September 23, 2025
Derrière l’accident, un système malade
Enlever le mauvais rein n’est pas une simple bévue, c’est le symbole d’un hôpital qui craque.
À force de vouloir faire des restrictions budgétaires, aller plus vite avec moins de moyens, on transforme les blocs opératoires en chaînes de montage. Et la logique comptable finit par coûter… des vies.
Ironie du sort : peut-être que notre patient de 77 ans devra désormais espérer une xénogreffe de rein de porc pour survivre. La science avance, mais l’hôpital public, lui, recule.